RÉPARTITION DE L’ALLOCATION D’ÉDUCATION DE L’ENFANT HANDICAPÉ ENTRE LES PARENTS DIVORCÉS
Cass., civ. 2ème, 25 novembre 2021 – n°19-25.456
Dans le cadre d’un contentieux sur fond de mode de résidence alternée dont fait l’objet l’enfant handicapé, la Cour de cassation est venue trancher la question de la répartition de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (l’AEEH) en faveur du principe de l’unicité de l’allocataire pour le droit aux prestations familiales.
En l’espèce, la caisse d’allocations familiales (CAF) du père de l’enfant lui ayant refusé l’attribution de la moitié de l’AEHH servie à son ex-épouse (l’allocataire) pour leur enfant dont ils se partagent la charge selon un mode de résidence alternée, le père (l’assuré) a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.
Par un arrêt du 11 octobre 2019, les juges de la cour d’appel de Paris ont retenu que la CAF de chacun des anciens époux devait mettre en œuvre le partage de l’AEEH et de ses compléments entre le père et la mère pour leur enfant à compter du 24 août 2014.
La CAF ainsi que l’allocataire se pourvoient en cassation, faisant valoir qu’aux termes de l’article L. 513-1 du Code de la sécurité sociale, les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant.
La Cour de cassation est venue, au terme d’une motivation détaillée, éclaircir l’articulation des textes régissant l’allocation de l’AEEH et par là-même régler la question de son partage entre les parents divorcés.
En principe, selon l’article L521-2 du Code de la sécurité sociale, les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l’enfant.
Reste donc à savoir si les dispositions de l’article L521-2, de nature à faire obstacle au partage du droit aux allocations familiales, sont applicables au cas de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et dans quelle mesure.
Il résulte de la combinaison de ce texte avec les articles L513-1, L541-1, L. 541-3, R513-1 et R521-2 du code de la sécurité sociale que le principe de l’unicité de l’allocataire pour le droit aux prestations familiales n’est écarté que dans le cas des parents dont les enfants sont en résidence alternée et pour les allocations familiales.
La lecture combinée de ces textes, appliquée à l’espèce, pourrait donc laisser penser que l’enfant faisant l’objet d’un mode de résidence alternée, le principe de l’unicité de l’allocataire doit être écarté.
Quid toutefois, de la condition tenant à la présence d’allocations de nature familiale ?
En effet, si en l’espèce l’enfant fait bien l’objet d’un mode de résidence alternée, peut-on considérer que l’AEEH constitue une allocation familiale au sens des textes susvisés de sorte que les deux conditions subordonnant la dérogation au principe de l’unicité de l’allocataire soient remplies, permettant ainsi le partage entre les parents de l’AEEH ?
Pour les Hauts-Magistrats, si l’article L541-3, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-02 du 11 février 2005, prévoit que les dispositions de l’article L. 521-2 sont applicables à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, ce renvoi n’inclut pas les dispositions du deuxième alinéa de ce texte, édictées postérieurement.
En d’autres termes, le partage de l’allocation entre parents prévu au 2e alinéa de l’article L521-2 du code de la sécurité sociale, est inapplicable à l’AEEH dans la mesure où ce deuxième alinéa a été édicté postérieurement à la loi du 11 février 2005 et ne bénéficie donc pas du renvoi de l’article L 541-3 pour l’application de l’article L521-2.
Plus généralement, cette possibilité de partage a été circonscrite par le législateur aux seules allocations familiales (dans le champ desquelles, ne rentre pas, on l’aura compris, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé).
La Cour rappelle par ailleurs que les règles particulières à l’AEEH et ses compléments, qui font dépendre leur attribution non seulement de la gravité du handicap de l’enfant mais également des charges supplémentaires et sujétions professionnelles que le handicap a générées pour le parent, ne permettent pas leur attribution à chacun des parents de l’enfant en résidence alternée sans la modification ou l’adoption de dispositions relevant du domaine de la loi ou du règlement.
Ainsi, la nature de l’AEEH qui ne constitue pas une allocation familiale et dont les règles particulières et les compléments ne permettent pas à celles-ci de déroger au principe de l’unicité de l’allocataire pour les droits aux prestations familiales édictées par l’article L521-2 du Code de la sécurité sociale.
Anne Derobert, avocat spécialiste en droit de la famille
Historique
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